Les députés socialistes ont fait le plein de victoires, jeudi 23 janvier, lors de leur niche parlementaire. L’Assemblée nationale a notamment adopté une proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en outre-mer, par 180 voix « pour » (celles de la gauche et du Rassemblement national) et une seule « contre », les élus de la droite et du centre s’étant abstenus.
Parmi les autres textes qu’ils sont parvenus à faire adopter, prouvant leur capacité à dégager des majorités, l’instauration de ratios de soignants à l’hôpital, la généralisation des repas à un euro dans les restaurants universitaires pour tous les étudiants, la lutte contre les pannes d’ascenseur qui touche notamment les quartiers populaires, et une meilleure protection des enfants « accueillis dans les crèches ».
« Nous avions pris un engagement au travers de notre niche, pour travailler pour les Françaises et les Français, et je crois (…) qu’aujourd’hui, nous avons rempli notre rôle », s’est félicité le député socialiste Stéphane Delautrette peu avant minuit, heure à laquelle les niches, ces journées dédiées aux propositions de chaque groupe, se terminent obligatoirement.
Sur les outre-mer, la proposition présentée par la députée socialiste de Martinique, Béatrice Bellay, vise à faciliter le plafonnement par l’Etat du prix d’un panier de biens de première nécessité – pour le ramener au niveau constaté en métropole –, à lutter contre les monopoles et les oligopoles et à contrer la toute-puissance de la grande distribution.
Les députés du socle commun ont cependant préféré s’abstenir : aligner les prix sur ceux pratiqués dans l’Hexagone est « irréalisable et inapplicable », c’est de l’« affichage », a déploré Maud Petit (MoDem). « On va empêcher les nouveaux investisseurs d’arriver dans nos territoires et de faire fonctionner la concurrence », s’est inquiété Nicolas Metzdorf, élu macroniste de Nouvelle-Calédonie.
Le ministre chargé des outre-mer, Manuel Valls, a reconnu que les écarts de prix d’au moins 30 % entre la métropole et les outre-mer posent un « défi à la cohésion sociale ». Mais le gouvernement, au nom de la « liberté d’entreprendre », a tenté de s’opposer à une disposition interdisant aux grands groupes de distribution de détenir plus de 25 % de parts de marché. En vain : les députés ont maintenu cet article. Pour finir, M. Valls a néanmoins « salué » l’adoption du texte, « un premier pas nécessaire », selon lui.
Lutter contre les pannes d’ascenseur
Après cette victoire, le groupe PS a enchaîné en soumettant aux débats un texte, déjà adopté au Sénat début 2023, qui propose d’instaurer progressivement dans les hôpitaux des ratios pour garantir un nombre minimal de soignants par patient.
Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire
Il s’agit de répondre à la « souffrance » de l’hôpital public, a expliqué le rapporteur Guillaume Garot (PS). Les ratios ne seront appliqués que très progressivement, a-t-il assuré, afin d’éviter que, faute de personnel, des services hospitaliers ne soient contraints de fermer, ce qui serait contraire à l’effet recherché.
Les élus de la droite et du centre ont déploré une « fausse bonne idée », pointant la « pénurie actuelle de soignants », mais se sont finalement, pour la plupart, abstenus. Le texte, voté dans les mêmes termes qu’au Sénat, peut donc entrer en vigueur.
Dans la soirée, les députés ont adopté un texte se proposant de lutter contre les pannes d’ascenseur. Il prévoit d’obliger les sociétés gérant ces équipements à intervenir dans les deux jours ouvrés et à constituer des stocks suffisants de pièces détachées pour réparer au plus vite et éviter ainsi que les pannes se prolongent et tournent au « calvaire » pour les habitants d’immeubles de grande hauteur.
Quelques minutes avant minuit, les élus ont approuvé une proposition pour lutter contre la « financiarisation » des crèches, dont les dérives ont récemment été dénoncées dans Les Ogres, un livre enquête du journaliste Victor Castanet. Le texte instaure une autorisation préalable pour les fonds d’investissement souhaitant entrer au capital d’une entreprise de crèches.
Le RN joue les pragmatiques
La proposition de loi sur les repas à un euro a été adoptée avec une très large majorité, deux ans après qu’une initiative quasiment identique eut été battue en brèche par les macronistes. Cette fois-ci, ces derniers se sont pour la plupart abstenus, malgré leurs réticences, dans un contexte où le gouvernement cherche à amadouer les socialistes et à obtenir qu’ils ne censurent pas le gouvernement de François Bayrou, à l’occasion de l’examen du budget.
Après avoir renoncé la semaine dernière à censurer le gouvernement Bayrou – dont ils espèrent encore obtenir des concessions sur le budget –, les élus PS entendaient marquer des points. Le chef du groupe, Boris Vallaud, n’avait pas caché attendre « sur certains textes, un soutien » de la part du gouvernement et des élus du centre et de la droite.
Quant aux élus du Rassemblement national (RN), ils avaient annoncé de voter « comme d’habitude ce qui va dans le bon sens, celui de l’intérêt de la France et des Français », a déclaré à l’Agence France-Presse une source au sein du groupe. En l’occurrence, ils ont approuvé les textes sur les prix en outre-mer, sur les repas à un euro et sur les crèches, se sont abstenus sur les ratios de soignants, et ont voté contre le texte sur les ascenseurs.