Depuis le dimanche 26 janvier 2025, des publications circulant sur Facebook affirment que « le déficit commercial en Tunisie a augmenté de 13% en 2024, atteignant 18,9 milliards de dinars » et que « le taux de pauvreté en Tunisie s’élève à 32,4%, soit près d’un tiers des Tunisiens vivant sous le seuil de pauvreté, frôlant la famine. »
Ces affirmations ont suscité de vives réactions et de nombreux débats sur les réseaux sociaux. Mais que disent réellement les données officielles ? BN Check a vérifié ces informations auprès de l’Institut national de la statistique (INS).
Les publications affirment que le déficit commercial aurait augmenté de 13 % en 2024, atteignant 18,9 milliards de dinars. Or, selon les données officielles de l’INS, le déficit de la balance commerciale s’est établi à -18 927,6 millions de dinars (MD) en décembre 2024. Voici les faits :
- En 2024, le déficit commercial a augmenté de 10,88% par rapport à 2023, où il s’élevait à -17 069 MD.
- Toutefois, ce déficit s’est allégé de 24,98% par rapport à 2022, où il atteignait -25 231,4 MD.
- Le taux de couverture (exportations/importations) est passé de 69,5% en 2022 à 78,4% en 2023, avant de baisser légèrement à 76,6% en 2024, enregistrant une perte de 1,8 point par rapport à l’année précédente.
En conclusion, bien que le déficit commercial ait effectivement atteint environ 18,9 milliards de dinars en 2024, l’augmentation exacte est de 10,88%, et non de 13%, comme le prétendent certaines publications.
Concernant le taux de pauvreté, les publications avancent un taux de 32,4% pour l’année 2024. En vérifiant auprés de l’INS, il est apparu que le taux de pauvreté le plus récent en Tunisie remonte à 2022 et repose sur des données collectées en 2021. Selon la 12e enquête nationale sur les dépenses, la consommation et le niveau de vie des ménages (2021), le taux de pauvreté était de 16,6% en 2021.
Le taux de pauvreté extrême était de 2,9% en 2021, stable par rapport à 2015, mais en nette baisse par rapport à 2010 (6%). Ce taux est calculé selon la méthode du seuil de pauvreté absolue, qui détermine un minimum de dépenses nécessaires pour satisfaire les besoins essentiels.
Le chiffre de 32,4% avancé dans les publications est donc faux, puisqu’aucune donnée officielle récente n’indique une telle augmentation. Les prochaines statistiques sur la pauvreté devraient être publiées après une nouvelle enquête nationale, qui est réalisée tous les cinq ans.
Notons que le taux de pauvreté est une mesure qui quantifie la proportion de la population vivant en-dessous d’un seuil de revenu déterminé, appelé seuil de pauvreté.
Toujours selon les chiffres de l’INS, le taux de pauvreté des enfants en Tunisie est passé de 21% en 2015 à 26% en 2021. Cela signifie qu’environ 826.000 enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont plus de 162.000 en situation d’extrême pauvreté.
Selon l’Unicef, la pauvreté en Tunisie s’est accrue entre 2015 et 2021, accentuant les inégalités géographiques déjà existantes. Une étude réalisée avec le Centre de recherches et d’études sociales révèle une hausse des taux de pauvreté durant cette période, inversant ainsi la tendance positive observée au cours de la décennie précédente. Les disparités géographiques restent marquées, la pauvreté touchant principalement les zones rurales, avec une situation particulièrement critique dans la région du Centre-Ouest, qui enregistre le taux le plus élevé. Ces constats soulignent l’urgence de mettre en place des interventions ciblées et de grande envergure.
Les enfants constituent la catégorie la plus vulnérable à la pauvreté, avec un taux d’incidence plus d’une fois et demie supérieur à celui de l’ensemble de la population. D’après le rapport, sur les 3,2 millions d’enfants tunisiens, environ 826.000 vivent dans la pauvreté, dont 162.000 en situation d’extrême pauvreté. La situation est encore plus alarmante dans la région du Centre-Ouest, où plus d’un enfant sur deux est en situation de pauvreté monétaire.
Sur le plan européen et selon les données de l’Eurostats, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne, avec 9,1% de sa population vivant sous le seuil de pauvreté fixé à 50% du revenu médian. Le chèque represente le taux de pauvreté le plus bas d’Europe, avec seulement 5,4% de sa population concernée. Parmi les pays les plus peuplés du continent, la France et l’Allemagne (où le taux de pauvreté s’élève à 8,5%) présentent de meilleurs résultats que l’Italie (13%) et l’Espagne (13,7%).
Aux États-Unis, selon l’Official Poverty Measure, le taux de pauvreté officiel a diminué de 0,4 point de pourcentage en 2023, atteignant 11,1%. Cela représente environ 36,8 millions de personnes vivant dans la pauvreté, un chiffre stable par rapport à 2022. Entre 2022 et 2023, une baisse du taux de pauvreté a été observée parmi plusieurs groupes, notamment les personnes blanches non hispaniques, les femmes, les individus âgés de 18 à 64 ans, les travailleurs à temps partiel ou ayant suivi des études supérieures. Toutefois, le taux de pauvreté a augmenté de manière significative pour les personnes s’identifiant comme appartenant à plusieurs races.
En conclusion, concernant le déficit, bien que le chiffre global de 18,9 milliards de dinars soit exact, l’augmentation réelle du déficit en 2024 est de 10,88%, et non 13%.
Quant à la pauvreté, le dernier chiffre officiel, datant de 2021, fixe le taux de pauvreté à 16,6%. L’affirmation selon laquelle ce taux aurait atteint 32,4% en 2024 est donc infondée.
R.A.