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Les “guerres culturelles” gagnent le Portugal

In Business
février 02, 2025

Le monde se divise de plus en plus en deux hémisphères qui s’affrontent férocement dans l’espace public sur des questions comme celles-ci : le policier qui a tué Odair Moniz [un Capverdien de 43 ans, le 21 octobre dernier, dans un quartier populaire de Lisbonne] a-t-il agi par pulsion raciste ou en état de légitime défense face à un “voyou” [tel que l’ont présenté des représentants du parti d’extrême droite Chega, dont son président, André Ventura] ?

Les policiers qui tirent pour tuer doivent-ils être décorés ou défendre publiquement cette position représente-t-il un crime ? Ceux qui incendient des bus dans la rue sont-ils des victimes de l’oppression ou des “terroristes urbains” ? Les cours d’éducation civique sont-ils liés à des “projets idéologiques” ou permettent-ils d’enseigner la tolérance face à la différence ? La famille traditionnelle est-elle tout près de la destruction ou la famille prend-elle des formes de plus en plus variées ? L’immigration est-elle “incontrôlée” ou l’accueil des étrangers est-il positif et nécessaire ? Le colonialisme portugais – qui a donné tant de “mondes au monde” – a-t-il été aussi positif qu’on l’a soutenu ou peut-on dire que les peuples colonisés ont droit à des réparations sans se faire accuser de trahir le peuple portugais ?

Ces derniers mois, chacun de ces thèmes a provoqué un affrontement entre les visions conservatrices et progressistes de la société, les positions des uns et des autres se sont radicalisées et le centre a migré vers les extrêmes dans la centrifugeuse du populisme. Bien qu’il ne soit pas toujours seul, Chega – par la voix d’André Ventura (qui suit le modèle de Trump, de Bolsonaro ou d’Orban) – occupe en permanence une extrémité du champ politique, engendrant adhésion ou rejet.

Toute cette agitation a commencé avec deux polémiques : la première est née à la suite des déclarations de Luis Montenegro [Premier ministre et président du Parti social-démocrate (PSD, centre droit)], qui a évoqué une contamination idéologique des contenus sexuels de l’éducation civique lors du congrès du parti [le 21 octobre] ; la seconde a été causée par la tragédie d’Odair Moniz. Ces deux débats accentuent le développement de ce que l’on appelle les guerres culturelles au Portugal, à l’instar de celles qui sont en train de diviser profondément les autres sociétés occidentales et qui radicalisent la vie politique quotidienne.

“Une intensité plus faible qu’aux États-Unis”

Cet affrontement repose sur une montée du populisme en réaction au progressisme et au politiquement correct des élites – et à un certain wokisme d’une minorité urbaine. D’après João Ferreira Dias, chercheur à l’ISCTE [Institut supérieur des sciences du travail et de l’entreprise] qui termine sa thèse de doctorat sur les guerres culturelles au Portugal et les droits fondamentaux, il y a “sans aucun doute” des batailles pour occuper la scène rhétorique, mais elles sont d’“une intensité plus faible qu’aux États-Unis ou au Brésil”.

Filipe Carreira da Silva, qui enseigne à l’Institut des sciences sociales (ICS) et à Cambridge, est du même avis : “Ce n’est pas comparable au degré de violence et de conflictualité qu’on voit au Royaume-Uni, en France ou aux États-Unis.” Cependant, cela s’est accentué au cours des dix dernières années :

“La progression de Chega aux élections a influé sur la manière dont la société aborde ces questions. Nous ne sommes pas plus racistes et la violence n’augmente pas, mais les gens réagissent plus qu’il y a dix ans.”

“À la base de tout ça”, on trouve le “ressentiment”, déclare João Ferreira Dias. D’un côté, celui de “groupes historiques minoritaires, qui ont été contraints et opprimés”, à savoir les femmes, les homosexuels, les personnes racialisées ou les peuples colonisés. De l’autre, il y a “le mécontentement qui naît quand on perçoit l’identité de la majorité comme remise en question, ajoute-t-il. Quand quelqu’un soutient que notre colonialisme n’a pas été bienfaisant, il peut y avoir deux types de réactions : soit on l’entend parce qu’on est dans le cadre d’une démocratie libérale, soit on hurle a