La gouvernance environnementale au service de la sécurité alimentaire
Face à la variabilité climatique, la Tunisie doit concilier impératifs économiques et gestion durable des ressources naturelles. La baisse du niveau des barrages — limités aujourd’hui à 30 % de leur capacité — et les épisodes répétés de sécheresse affectent lourdement la productivité agricole. Or, ce secteur représente un pilier stratégique de la sécurité alimentaire et de l’emploi rural.
Dans ce contexte, la gestion intégrée de l’eau et des sols devient une priorité nationale. Elle vise à optimiser la productivité tout en réduisant la pression sur les ressources hydriques, grâce à la valorisation des eaux pluviales et à la conservation des sols. Ces mesures participent à la consolidation d’une économie agricole durable et résiliente, capable de s’adapter aux aléas climatiques et aux chocs hydriques.
Une coopération structurante : Tunisie – Allemagne – Union européenne
Le projet « Renforcement de la Résilience climatique à travers la Gouvernance des Ressources naturelles » (ReGnR) illustre la montée en puissance des partenariats stratégiques tuniso-allemands dans le domaine du développement durable.
Mandaté par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ), cofinancé par l’Union européenne et mis en œuvre par la GIZ, ce projet associe le Ministère tunisien de l’Agriculture (MARHP) et le Ministère de l’Environnement. Il vise à doter les territoires ruraux d’outils techniques et organisationnels pour une gestion plus efficiente des ressources naturelles.
Dans le gouvernorat de Jendouba, deux institutions clés assurent la mise en œuvre :
- l’Institut National des Grandes Cultures (INGC),
- et l’Office de Développement Sylvo-Pastoral du Nord-Ouest (ODESYPANO).
Elles coordonnent les interventions locales, en lien avec la Direction Générale de l’Aménagement et de la Conservation des Terres Agricoles (DGACTA).
Des programmes pilotes pour une agriculture sobre et performante
Deux appels à participation ont été lancés dans le gouvernorat de Jendouba pour soutenir la diffusion des pratiques durables de gestion des ressources en eau et des sols :
- Grandes cultures, en partenariat avec l’INGC, dans les délégations de Aïn Draham, Balta-Bouaouane et Bou Salem.
Candidatures : du 30 septembre au 30 octobre 2025. - Parcours et oliveraies, en partenariat avec l’ODESYPANO, dans les délégations de Fernana et Ghardimaou.
Candidatures : du 9 septembre au 30 octobre 2025.
Ces programmes s’adressent aux agriculteurs, organisations professionnelles, ONG et entreprises agricoles souhaitant s’engager dans la gestion durable des ressources. Ils reposent sur un concept central : la valorisation de “l’eau verte”, c’est-à-dire l’humidité naturellement présente dans les sols, ressource essentielle pour les cultures pluviales.
Une dynamique territoriale inclusive
La première phase d’appel à manifestation d’intérêt a enregistré une forte mobilisation :
1 914 agriculteurs et 22 structures intermédiaires (organisations professionnelles, ONG et petites entreprises) ont exprimé leur volonté de participer.
L’ODESYPANO accompagne actuellement ces acteurs par des sessions de formation, un appui technique de proximité et la distribution de semences fourragères ou de plants adaptés à la sécheresse. Ces actions s’inscrivent dans une logique de transition agroécologique, combinant performance économique et durabilité environnementale.
L’émergence de leaders agricoles régionaux
L’INGC sélectionnera 80 agriculteurs leaders pour promouvoir des pratiques innovantes : semis direct, agriculture de conservation, cultures de couverture et associations fourragères.
Ces exploitants pilotes mettront en œuvre des parcelles de démonstration afin d’évaluer l’impact économique et environnemental de ces techniques.
Chaque agriculteur leader formera au moins 10 pairs, selon un modèle de diffusion en cascade des compétences. L’objectif est de créer un réseau régional d’exploitants capables de relayer la transition vers une agriculture sobre en eau et régénératrice des sols.
Une gouvernance régionale concertée
Deux comités régionaux composés des autorités locales, des structures agricoles et des organisations professionnelles assurent le suivi technique et participatif du projet.
Cette gouvernance de proximité garantit la transparence, la coordination interinstitutionnelle et la pérennisation des actions sur le terrain.
L’approche adoptée à Jendouba pourrait servir de modèle reproductible pour d’autres régions confrontées à des enjeux similaires de rareté de l’eau et de dégradation des sols, ouvrant la voie à une stratégie nationale intégrée de résilience agricole.

Partager :