Jeune défenseur central (22 ans), Seif-Dine Hraoubia a fait un choix de carrière peu commun pour un joueur formé en France : rejoindre l’Asie du Sud-Est et le Selangor FC en Malaisie. Mesurant 1,93 m et gaucher, le Franco-Tunisien cherche à s’imposer durablement au sein de ce club, notamment dans la campagne de l’AFC Champions League Two (ACL2). Tunisie-Foot a échangé avec lui pour décrypter ce parcours atypique et ses grandes ambitions.
TF : Seif-Dine, vous êtes Franco-Tunisien. Bien que né et élevé en France, quel est votre lien le plus fort avec la Tunisie, et quelle place occupe-t-elle dans votre parcours personnel et footballistique ?
S.H : Même si je suis né et que j’ai grandi en France, la Tunisie a toujours occupé une place très importante dans ma vie. C’est le pays de mes parents, de ma famille, de mes racines. J’y allais souvent quand j’étais plus jeune, surtout pendant les vacances, et c’est là que j’ai vraiment ressenti l’attachement à la culture, à la langue, à la mentalité.
Sur le plan footballistique, la Tunisie m’a aussi beaucoup inspiré. J’ai grandi en suivant la sélection nationale, les grandes épopées en Coupe d’Afrique et les joueurs tunisiens qui réussissaient en Europe. Quand on a ce double héritage, on essaie toujours de tirer le meilleur des deux mondes : la rigueur et la formation à la française, mais aussi la passion et la combativité qu’on retrouve dans le football tunisien. Aujourd’hui, même en évoluant loin de la France et de la Tunisie, je garde cette double identité comme une force. Et bien sûr, représenter un jour la Tunisie serait une immense fierté.
TF : Vous avez été formé à Orléans et Saint-Pryvé Saint-Hilaire. Pouvez-vous nous décrire ce parcours de formation en France ? Quelles ont été les étapes clés qui vous ont façonné en tant que défenseur ?
S.H : Oui, j’ai fait toute ma formation en France, d’abord à l’US Orléans, puis à Saint-Pryvé Saint-Hilaire. À Orléans, j’ai vraiment découvert ce que signifiait le haut niveau chez les jeunes. C’était un environnement structuré, exigeant, avec de très bons éducateurs. J’y ai appris les bases : la rigueur défensive, la lecture du jeu, la communication sur le terrain… tout ce qui forge un défenseur central fiable.
Ensuite, à Saint-Pryvé Saint-Hilaire, j’ai franchi un cap différent. C’est un club formateur, mais aussi très compétitif, qui donne la chance aux jeunes d’évoluer rapidement dans le monde senior. Là-bas, j’ai commencé à affronter des attaquants expérimentés, à gérer le duel physique et la pression des matchs qui comptent vraiment. Ces étapes m’ont forgé un caractère : je suis devenu un joueur discipliné, concentré, et surtout conscient que la progression passe par le travail quotidien. C’est cette mentalité que j’essaie de garder aujourd’hui à Selangor.
TF : Après la France, vous avez fait le choix surprenant de rejoindre l’Asie du Sud-Est et le Selangor FC en Malaisie. Ce n’est pas la voie la plus classique. Qu’est-ce qui a motivé cette décision audacieuse ?
S.H : C’est vrai que, vu de l’extérieur, mon choix peut paraître surprenant. Mais pour moi, il représente exactement ce que je veux dans ma carrière : ne pas suivre les trajectoires toutes tracées. J’ai compris assez tôt que le football, ce n’est pas qu’une question de géographie, mais d’opportunité, de contexte et d’ambition.
D’ailleurs, pour vous donner une idée, j’avais d’autres options concrètes. J’ai eu une offre de contrat de cinq ans du Stade Tunisien, que j’ai finalement refusée, même s’ils étaient très insistants et voulaient vraiment me faire signer. Le Club Africain de Bettoni était également très intéressé, mais cela ne s’est pas fait au final par manque de temps. Ces opportunités manquées ou refusées m’ont conforté dans l’idée qu’il fallait regarder plus loin, là où la vision était la plus claire.
Le projet du Selangor FC m’a parlé parce qu’il y avait une vraie vision derrière : un club qui veut s’imposer comme une référence en Asie du Sud-Est, avec un encadrement moderne et des ambitions continentales. Quand tu sens cette énergie, tu as envie d’en faire partie. Je ne vois pas ce choix comme un détour, mais comme un accélérateur. Le football asiatique évolue vite, et montrer qu’un jeune défenseur formé en France, et qui est gaucher, peut s’imposer ici, c’est aussi une manière d’ouvrir la voie à d’autres.
TF : Comment s’est déroulée votre adaptation sur place ? Parlez-nous du football malaisien : comment décririez-vous son style de jeu et les exigences physiques et tactiques au Selangor FC ?
S.H : Franchement, l’adaptation n’a pas été simple au tout début, mais c’était très formateur. La chaleur et l’humidité, ça te met une claque (sourire). Mais une fois que tu t’adaptes au climat, tu t’adaptes vite au reste.
Sur le plan sportif, le football malaisien m’a vraiment surpris dans le bon sens. Il y a beaucoup d’intensité, beaucoup d’envie. Les matchs sont ouverts, très rythmés, avec des transitions rapides. Au Selangor FC, les exigences sont élevées. On bosse énormément sur le positionnement, la relance propre, la coordination défensive. Notre coach insiste beaucoup sur la lecture du jeu et la capacité à anticiper. Pour un défenseur central comme moi, c’est parfait : tu dois t’imposer dans les duels, mais aussi être capable de ressortir proprement le ballon.
TF : Quelles sont, selon vous, les principales différences entre le football que vous avez connu dans les championnats français et celui que vous pratiquez actuellement en Malaisie ?
S.H : Il y a pas mal de différences. En France, le football est très structuré, très axé sur la tactique et la rigueur défensive. On t’apprend dès jeune à bien te positionner, à défendre en bloc. C’est un football très méthodique.
En Malaisie, le jeu est plus ouvert, plus instinctif. Il y a énormément d’intensité, de vitesse, de prises de risques. Les équipes cherchent souvent à aller vite vers l’avant, à mettre du rythme. C’est un football plus direct, parfois un peu moins cadré tactiquement, mais avec beaucoup de passion et d’engagement. Pour moi, le vrai défi a été d’apporter un peu de cette rigueur « à la française » sans perdre l’énergie locale.
TF : Vous jonglez entre le Selangor FC II et des apparitions potentielles avec l’équipe A notamment en AFC Champions League Two. Quels sont vos objectifs personnels pour vous établir définitivement dans l’équipe première ?
S.H : J’ai eu la chance d’avoir déjà eu du temps de jeu avec l’équipe première cette saison, ce qui m’a permis de m’habituer au très haut niveau ici. C’est une réelle satisfaction, mais il faut être honnête : la concurrence est énorme. On a des défenseurs très expérimentés, certains internationaux. Ça te pousse à être encore plus exigeant avec soi-même.
Quand je redescends jouer avec le Selangor FC II, c’est pour garder du rythme, continuer à progresser, et être prêt à répondre présent quand l’équipe première aura besoin de moi. Mon objectif, maintenant, c’est de m’imposer sur la continuité. Je sens que je gagne en confiance et en maturité. C’est à moi de confirmer, semaine après semaine, que je mérite ma place parmi les meilleurs.
TF : La Malaisie, c’est aussi un choc culturel. Loin de la France, comment se passe la vie quotidienne ? Avez-vous trouvé vos marques dans ce nouvel environnement si différent ?
S.H : Oui, clairement, c’est un vrai changement ! Quand tu quittes la France pour la Malaisie, tu découvres un autre monde. Au début, tout paraît nouveau. Mais honnêtement, je me suis assez vite adapté. Les gens ici sont extrêmement accueillants, respectueux et curieux.
Au quotidien, j’ai trouvé mes marques. J’ai une routine qui me permet de rester concentré sur le foot tout en profitant de la vie ici. J’aime découvrir la culture locale, les traditions, et même la cuisine — bon, j’avoue, parfois, c’est un peu trop épicé ! (sourire) Ce qui m’a le plus marqué, c’est la passion que les Malaisiens ont pour le football. Ça te motive à tout donner.
TF : Le Selangor FC a une base de supporters fervente. Comment gérez-vous cette pression et les attentes des fans locaux ? Est-ce une source de motivation supplémentaire ?
S.H : Ici, la passion des supporters, c’est quelque chose de spécial. Le Selangor FC, c’est un club historique, avec une énorme base de fans. Les gens vivent vraiment pour le foot : ils viennent très tôt au stade, ils chantent du début à la fin. C’est une ambiance unique.
Forcément, il y a de la pression, mais c’est une bonne pression. Personnellement, je la prends comme une motivation. Quand tu sais que des milliers de personnes croient en toi, tu n’as pas le droit de tricher ou de te relâcher. Je transforme cette attente en force, pas en pression négative. Parce qu’au fond, c’est ce que tout joueur recherche : évoluer dans un club où les supporters vibrent, où chaque match compte.
TF : À seulement 22 ans, vous avez encore beaucoup d’années devant vous. Comment imaginez-vous la suite de votre carrière ? Y a-t-il une prochaine étape en tête après la Malaisie ?
S.H : J’ai seulement 22 ans, donc je sais que le plus important, c’est de continuer à construire pas à pas. La priorité aujourd’hui, c’est de bien faire les choses ici, au Selangor FC. Je veux progresser, devenir un joueur clé du club.
Mais c’est sûr que j’ai des ambitions. Je veux aller le plus haut possible, jouer dans les plus grands clubs, que ce soit en Asie ou en Europe. Et puis, il y a la sélection tunisienne. C’est plus qu’un objectif, c’est un rêve. Représenter la Tunisie, c’est une fierté que je ressens profondément. Je me donne tous les moyens pour atteindre le très haut niveau et porter un jour ce maillot.
TF : Si vous deviez nommer le championnat qui vous fait le plus rêver, que ce soit pour son niveau ou son style de jeu, quel serait-il ?
S.H : Franchement, il y a plusieurs championnats qui me font rêver. Mais si je devais en choisir un, je dirais la Premier League. Pour moi, c’est le championnat le plus complet au monde : l’intensité, la vitesse, le niveau tactique, la dimension physique et l’ambiance dans les stades… tout y est. Pour un défenseur, c’est le rêve, parce que tu es constamment mis à l’épreuve.
Mais j’aime aussi beaucoup la Serie A, pour l’aspect tactique, la rigueur défensive et la culture du détail. Ce qui compte pour moi, c’est d’évoluer dans un environnement exigeant, qui me pousse à me dépasser chaque jour.
TF : Un dernier mot pour les TFistes ?
S.H : Je veux simplement remercier tous les TFistes pour leur soutien et leur intérêt. Même à des milliers de kilomètres, je sens qu’il y a une vraie communauté derrière, des gens qui suivent, qui encouragent et qui croient en nous, les jeunes binationaux. Ça compte énormément. Continuez à nous pousser, à parler des joueurs tunisiens partout dans le monde — ça nous motive, ça nous donne de la force. De mon côté, je vais continuer à bosser dur pour vous rendre fiers et, je l’espère, porter un jour le maillot de la Tunisie. Inchallah, ce n’est que le début !

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