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L’ONU adoube la marocanité du Sahara occidental

L’ONU adoube la marocanité du Sahara occidental


Le conseil de sécurité compte cinq membres immuables et dix autres renouvelés tous les deux ans. Vendredi 31 octobre, un texte déposé par les États-Unis était à l’étude, portant sur le Sahara occidental. Il y est proposé que la conduite des négociations se fasse à partir du plan d’autonomie marocain de 2007. Onze des quinze membres du Conseil sécurité ont soutenu la résolution. Mine de rien, sous le protocole gris Diplo de l’ONU, c’est une mesure historique qui a été votée, ouvrant la voie à des négociations entre les trois belligérants.

En faisant de ce plan la référence absolue, la base, la résolution proposée par les Américains actait, en cas d’issue favorable, la marocanité du Sahara occidental. Cette terre quasi vierge, vaste comme l’Italie, à peine deux habitants par kilomètre carré, est un legs du colonialisme espagnol (on l’appelait alors le Sahara espagnol). Le 6 novembre 1975, le roi du Maroc Hassan II lançait sa population à l’assaut du Sahara espagnol afin que ses concitoyens « se l’approprient ». Près de 350 000 personnes participeront à cette marche devenue historique, fondatrice, un socle pour le royaume chérifien. Une résolution de l’ONU condamnera cet épisode. Depuis, cela fera cinquante ans la semaine prochaine que deux parties réclament ce bout de Sahara : Rabat et le Front Polisario, mouvement politique et armé qui réclame une République autonome du Sahara démocratique (RASD). Ce dernier est hébergé en Algérie, qui soutient sa cause au point d’avoir rompu tout lien avec son voisin marocain. On dit souvent au Maghreb « qu’un bon voisin vaut mieux qu’un frère ». Dans le cas présent, le conflit de voisinage s’est mué en conflit de basse intensité.

La stratégie offensive de Mohammed VI

À chaque discours du Trône, Mohammed VI évoquera le Sahara occidental, expliquant en 2017, pour exemple, que « le Sahara restera marocain jusqu’à la fin des temps », rappelant la mémoire de son grand-père Mohammed V qui parlait de « droits historiques » pour évoquer la marocanité de ces « terres du sud », comme disent aujourd’hui les Marocains. En 2022, deux ans après l’adoubement des États-Unis, le monarque se fait catégorique et déclare vouloir « adresser un message clair à tout le monde : le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit ».

Désormais, c’est « avec moi ou sans moi » avec le Royaume. Il en a coûté à l’Espagne dirigée par le socialiste Pedro Sanchez d’abriter Brahim Ghali, le leader à vie du Front Polisario, dans une clinique madrilène. Œil pour œil, les policiers aux frontières du Maroc se sont soudainement mis à faire la sieste, laissant passer sept mille Marocains dans l’enceinte de Ceuta, l’une des deux enclaves espagnoles au Maroc. Sanchez, homme politique biberonné au pragmatisme, pris son avion, fit allégeance au roi du Maroc et, sans consulter son Parlement, décida que l’Espagne reconnaissait officiellement le plan marocain pour le Sahara occidental. Ils sont nombreux à l’avoir fait, depuis. Londres, Berlin, Lisbonne, La Haye, Bruxelles… À l’été 2024, Paris a épousé le scénario marocain, provoquant une fureur très calculée d’Alger. Le régime algérien n’a pas bronché quand le Portugal et l’Angleterre ont fait de même. Il y a des colères très politiques.

Parallèlement à l’intense lobbying diplomatique, le Maroc a mis en marche un plan de développement très ambitieux. Le port de Dakhla Atlantique se veut l’égal de Tanger Med, une porte d’entrée pour l’Afrique de l’Ouest avec zone industrielle attenante, ligne de chemin de fer, aéroport, routes, le tout à quarante kilomètres de la capitale régionale. Partout, des chantiers, des ébauches de chantiers, des annonces. L’énergie verte est le nouveau pétrole : l’usine de dessalement fonctionnera avec une centrale éolienne (le vent est permanent sur cette parcelle de côte Atlantique), le territoire sera éclairé 100 % bio (écolo), de l’énergie propre sera exportée vers le Royaume-Uni notamment. Sept millions de foyers britanniques pourraient en bénéficier.
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La façade maritime, mille cent kilomètres, est extrêmement poissonneuse en raison des courants chauds et froids. Des vols Ryanair directs depuis l’Espagne attestent du potentiel touristique. Idem pour l’agriculture, des dizaines de kilomètres de serres font pousser les tomates que consomment les Européens. Plus qu’une extension du Royaume, le Sahara occidental permettra de connecter les pays du Sahel au port de Dakhla Atlantique.

Une résolution prélude à des négociations

C’est ainsi, cette alliance de la diplomatie et de l’économie, que le Maroc s’est approché pas à pas d’une reconnaissance légale, tamponnée, archivée. Le vote de la résolution de la 10 028e séance du Conseil de sécurité, sous la houlette du président de séance, issu de la Fédération de Russie, est le début d’un processus de négociations entre les protagonistes.

Pour parvenir à un référendum, il faudra beaucoup de patience. Une certitude : le volontarisme marocain aura payé. Et il en a bien besoin. Le développement du Sahara occidental nécessite une solide centaine de milliards.

Pour l’instant, Rabat supporte 70 % des investissements contre 30 % d’investissements directs étrangers. Il souhaite inverser ce chiffre rapidement. « Tôt ou tard, il faut que notre titre de propriété du Sahara occidental soit déposé à la conservation foncière des Nations unies », disait le roi Hassan II, père de Mohammed VI. Ce jour, dans l’enceinte de l’ONU, un pas supplémentaire a été acté.