Le calvaire iranien de Cécile Kohler et de Jacques Paris vient de prendre fin. Emmanuel Macron a annoncé, mardi 4 novembre, la libération des deux citoyens français détenus en République islamique depuis près de trois ans et demi. « Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis trois ans en Iran, sont sortis de la prison d’Evin et sont en route pour l’ambassade de France à Téhéran », a indiqué sur X (anciennement Twitter) le président de la République, qui se « félicite de cette première étape ».
La professeure de lettres âgée de 40 ans et l’enseignant de mathématiques à la retraite, tous les deux syndicalistes au sein de la branche enseignement de Force ouvrière (Fnec), avaient été arrêtés le 7 mai 2022, au dernier jour d’un voyage touristique en République islamique. Tout d’abord accusés d’espionnage au profit de la DGSE, les services de renseignements extérieurs de la France, et d’avoir rencontré des syndicalistes enseignants iraniens durant leur séjour, ils ont été condamnés le 14 octobre à de lourdes peines de prison pour espionnage en faveur de la France et d’Israël et complot contre la sécurité de l’État.
En juillet dernier, Le Point avait recueilli le témoignage de Noémie Kohler, la sœur de Cécile Kohler, qui alertait notamment sur l’état de détresse psychologique des deux Français, détenus dans des conditions épouvantables. Aux yeux de la France, ils ont toujours été considérés comme des « otages d’État » aux mains de l’Iran.
Depuis le milieu des années 2010, la République islamique multiplie en effet les arrestations de ressortissants occidentaux, notamment français, sous le couvert d’accusations sécuritaires et de décisions judiciaires, afin de voir relâchés des Iraniens liés au régime, détenus en Occident, ou d’obtenir des gages politiques, en échange de leur libération. Le 11 septembre dernier, le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a évoqué pour la première fois un échange entre les deux détenus français et Mahdieh Esfandiari, une traductrice iranienne de 39 ans emprisonnée en France pendant huit mois pour « apologie du terrorisme, provocation en ligne au terrorisme et injures à raison de l’origine ou la religion », et remise en liberté le 22 octobre sous contrôle judiciaire dans l’attente de son procès.
Téhéran rejette tout échange
L’éventualité d’un échange de prisonniers entre la France et l’Iran est d’autant plus surprenante que les deux pays sont à couteaux tirés depuis le rétablissement, le 28 septembre, par la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne des sanctions de l’ONU contre le programme nucléaire iranien, qui ont douché les espoirs d’une reprise à court terme des négociations entre la République islamique et l’Occident. Téhéran sort déjà affaibli, tant sur le plan militaire que politique, de la guerre des douze jours contre Israël, qui a entraîné une surenchère répressive contre toute dissidence à l’intérieur du pays.
En Iran, on rejette toutefois la moindre équivalence entre le cas de Mahdieh Esfandiari et celui de Cécile Kohler et de Jacques Paris. « Le cas des prisonniers français Cécile Kohler et Jacques Paris est lourd et implique de nombreux voyages en Iran, ainsi que des rencontres avec des syndicats iraniens, tandis que Mahdieh Esfandiari était une simple citoyenne iranienne arrêtée pour avoir exercé sa liberté d’expression », assure une source diplomatique, sous le couvert de l’anonymat, malgré les graves accusations qui visent la ressortissante de la République islamique. « Mais un canal a été mis en place sous l’ancien président iranien, le martyr Ebrahim Raïssi, et Emmanuel Macron afin d’arranger les choses de la meilleure manière possible. Et ce format s’est poursuivi sous le président Pezeshkian. »
Si le sort des détenus français était évoqué à chaque rencontre ou coup de fil entre les deux hommes ou leurs ministres des Affaires étrangères, ce sont les services de renseignement qui étaient directement en charge des négociations. « Cela a permis à chaque partie de travailler sans filtre et de déceler le vrai du faux », ajoute la source diplomatique iranienne. « C’est dans ce cadre que des idées communes ont pu être avancées avec la partie française pour transmettre au pouvoir judiciaire iranien la volonté du président Pezeshkian de résoudre au plus vite la question de la libération des deux prisonniers français afin de satisfaire les attentes des familles des détenus mais aussi de répondre favorablement à la demande d’Emmanuel Macron. »
Après avoir compté jusqu’à sept ressortissants détenus en République islamique – Fariba Adelkhah, Benjamin Brière, Cécile Kohler, Jacques Paris, Louis Arnaud, Olivier Grondeau, Bernard Phelan – en octobre 2022, la France est aujourd’hui sur le point de libérer ses derniers citoyens retenus en Iran. Ayant longtemps subi les arrestations arbitraires de Téhéran sans coup férir, les services français semblent avoir adopté depuis un an et demi une approche plus offensive, en arrêtant à leur tour des ressortissants iraniens en France.
Procès en France
Huit mois avant le cas de Mahdieh Esfandiari, la France arrêtait un autre citoyen iranien du nom de Bashir Biazar, placé en rétention administrative à Metz au titre des graves menaces qu’il aurait fait peser contre « l’ordre public et les intérêts fondamentaux de l’État ». Si ce dernier a fini par être expulsé du territoire français au bout de trente jours, Mahdieh Esfandiari devrait, elle, être fixée sur son sort à l’issue de son procès, du 13 au 16 janvier prochain, devant le tribunal correctionnel de Paris. Son verdict pourrait peser sur le retour en France de Cécile Kohler et Jacques Paris.
« Le dialogue se poursuit pour permettre leur retour en France le plus rapidement possible », a, en tout cas, conclu sur X le président Emmanuel Macron.

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